M Barrès, (1897) Les Déracinés, le roman de l'énergie nationale, Fasquelle, 492 p
Pour Barrès, la terre est faite du sang et des ossements des aïeux. Elle fait de l'individu une personne
en le reliant à toute une tradition. d'où l'importance des racines. Loin d'elles,
l'homme qui les a perdues est une sorte de cadavre perdu dans la foule des grandes villes. L'ouvrage de Barrès,
publié en pleine affaire Dreyfaus, sépare les bons Français, restés attachés à leur terroir et les mauvais, ceux qui ont
déserté en venant à la ville et en devenant des déracinés.
L'importance et même le caractère sacré accordé par Barrès à la terre, au sol de France, à la glèbe,
est une caractéristique française de l'Urbaphobie. Elle explique l'importance du territoire dans les
politiques d'aménagement. En revanche, en Allemagne, c'était la communauté du sang (Gemeinschaft) qui importait.
"Il ne faut pas dire : la terre est soumise à fluctuation comme toute autre marchandise.
La terre est plus que cela, c'est le sol, c'est la patrie. Si la terre n'était qu'une
marchandise, nous ne serions pas inconsolables de la perte de l'Alsace et de la Lorraine."
(J. Imbart de la Tour, 1901)
Entre les deux guerres, Jean Tardieu, chef de la droite, loue à la Chambre les paysans en les félicitant de leur
immobilité qui assure l'avenir (sic) :
"La terre est votre noblesse. Héritiers de ces villages immobiles qui ont vu vos pères se
transmettre le flambeau, vous enseignez aux gens de la ville la grandeur de la continuité.
Vous semez pour l'avenir. Qui vous défend défend l'avenir." (J. Tardieu, 1930)
L'une des bases de l'Urbaphobie est la croyance que la vie urbaine, en particulier des grandes villes,
est nécessairement immorale et destructrice du tissu national :
"C'est le foyer paysan, groupant la famille agricole fixée à la terre, qui seul
est éminemment intéressant pour le progrès moral et pour la formation sociale." (R. Grand, 1931)
L'Urbaphobie a conduit un chef paysan (en fait, un boucher), Henri Dorgères, à créer un mouvements paysan
pseudo-fasciste, les chemises vertes, pour attaquer violemment les institutions républicaines et envisager une
expédition punitive contre Paris :
"Bras nus et mains pures, nous irons nettoyer Paris." (H. Dorgères, 1934)